France républicaine

Le savoir est une arme qu'on peut toujours charger un peu plus.


Refuser l’ennemi n’empêche pas que c’est lui qui choisit de l’être, Les vrais ennemis de l’occident par Alexandre Del Valle.

Certes, on peut refuser de se considérer l’ennemi de celui qui s’affiche comme tel, que l’on peut refuser de faire la guerre à celui qui nous attaque, on peut choisir de ne pas répondre aux intolérants par l’intolérance, ou encore on peut préférer tendre la joue gauche ou être « plutôt rouge ou vert que mort », et même on ne peut forcer les musulmans amoureux de la charià vivant sur notre sol à penser comme nous. Cette « politique d’apaisement » ou de compromission est peut-être plausible dans le champ d’action individuelle et interpersonnelle, mais elle ne tient pas dans l’ordre politique et social, car si un individu a le « droit » de décider sa propre autodestruction par choix personnel assumé, en revanche, un responsable politique ne peut entraîner dans pareille voie mortifère ses administrés et concitoyens. De la même manière, un père de famille ou un mari ne peuvent invoquer le pacifisme pour laisser tuer leurs proches sans les assister face à un danger ou à un agresseur. Pareille reddition ou refus de défendre son propre camp révèle en réalité un manquement grave au devoir premier du responsable politique qui est, comme le nom l’indique, de protéger sa collectivité (polis), parce qu’il est responsable de la sécurité de ses membres, puis de préserver le bon respect des règles et coutumes qui assurent la cohésion de la nation.

D’un point de vue géopolitique réaliste, l’ennemi n’est donc pas celui qui ne partage pas les mêmes valeurs (universalistes-occidentalistes, libérales et démocratiques) que nous. Ceux qui nous menacent ne sont pas les régimes politiques souverains que « l’on n’aime pas » ou qui développent dans leur pré carré géopolitique des modèles différents (Russie de Poutine, Libye de Kadhafi, Syrie des Assad, ex-Yougoslavie de Milosevic, Côte d’Ivoire de Gbagbo, Ukraine de Ianoukovitch, Chine post-maoïste, etc.), mais seulement ceux qui menacent de façon concrète notre société dans ses fondements et qui sapent ses valeurs et règles de l’intérieur ou de l’extérieur dans un but de conquête et de nuisance. Ainsi, quoi que l’on pense de Slobodan Milosevic, de Laurent Gbagbo, de Victor Ianoukovitch, de Saddam Hussein, ou, avec le « Printemps arabe », de Bachar el-Assad, de Mouammar Kadhafi, de Hosni Moubarak ou de Zinedine Benali, ces dirigeants, bien qu’étant peu ou pas démocrates, n’avaient aucunement déclaré la guerre à nos nations ou à notre civilisation. Ils n’étaient pas (ou plus, en ce qui concerne la Libye et la Syrie) nos ennemis, tout simplement parce qu’ils ne s’en prenaient ni à nos populations, ni à nos intérêts concrets, ni à nos valeurs sur notre territoire. Tous ces pays ont même collaboré durant les deux dernières décennies avec nos services de sécurité en matière de lutte contre le terrorisme islamiste et d’immigration illégale. Mais l’Occident s’est comporté en revanche en ennemi de ces régimes en les renversant ou en y appuyant des forces subversives et rebelles islamistes parrainées par nos « alliés » du Golfe ou Ankara et décidées à les renverser. De la même manière, les pays de l’Alliance atlantique se sont comportés en adversaires objectifs de la Russie postsoviétique et des régimes pro-russes d’Europe orientale lorsque des institutions internationales (OTAN, Union européenne), des ONG (Open Society, Endovement for democracy, etc.), des gouvernements et services secrets occidentaux (États-Unis, Grande-Bretagne, Pologne, pays baltes, etc.) ont préparé, soutenu ou financé des forces politiques hostiles dans des zones d’intérêt stratégiques de la Russie postsoviétique (Géorgie, Ukraine, Serbie, Bulgarie, invités instamment à adhérer à l’OTAN et/ou à l’Union européenne) et même sur le territoire russe (« révolution des neiges » de 2012 contre Vladimir Poutine).

Le but était alors de renverser des régimes en place qui ne partageaient pas les visions manichéennes occidentistes héritées de la guerre froide. En fin de compte, les pays occidentaux, qui ont à tort considéré comme ennemis des pays que la Turquie et les monarchies pétrolières du Golfe ont désignés comme tels, ont agi comme s’ils étaient leurs supplétifs géopolitiques. Si nous revenons au grand esprit qu’était Karl Popper, trop souvent invoqué par les partisans (George Soros, Open Society) d’un nouveau containment contre la Russie et qui ont allègrement applaudi à la chute de Ianoukovitch en Ukraine, de Kadhafi en Libye, puis de Moubarak et Benali en Égypte et en Tunisie (au profit notamment des Frères musulmans) lors du Printemps arabe, le philosophe autrichien n’a jamais affirmé que les ennemis des sociétés ouvertes étaient tous les régimes non démocratico-pluralistes de la  planète ou qu’il fallait imposer notre vision du monde à ceux qui ne la partagent pas – que ce soit par des révolutions colorées ou des interventions militaires. Son message politique était simplement qu’il fallait défendre la société ouverte et ses valeurs d’abord là où elle est en place et que le pluralisme démocratique et libéral n’est pas le fruit d’une imposition venue de l’extérieur ou de bombardements aériens motivés par le « droit d’ingérence », mais le résultat d’une longue évolution, d’une émancipation, faite de sécularisation, de respect des libertés individuelles et d’éducation à l’esprit critique et scientifique.
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Cela signifie que si l’Occident doit s’abstenir à l’avenir de s’immiscer dans les affaires des pays et régimes différents de lui et donc accepter l’émergence déjà en cours d’un monde multipolaire, il a en revanche le droit de défendre ses propres valeurs chez lui et même d’imposer par la force, comme l’écrit clairement Popper, ses règles de fonctionnement non négociables aux ennemis de la tolérance qui l’invoquent pour mieux la détruire de l’intérieur.